La violence amoureuse chez les adolescents

Bien qu’elle soit connue du grand public, la violence conjugale reste tout de même une problématique nébuleuse au niveau de certaines subtilités et trop souvent, est entourée de nombreux mythes et de fausses croyances. Que dire de ce phénomène lorsqu’il touche nos adolescents ? Cela existe-t-il vraiment ? Quelles différences avec une simple chicane de couple ? Plusieurs questions peuvent surgir lorsque le sujet est abordé.

Ayant travaillé durant une décennie auprès d’une clientèle d’adultes, d’adolescents et d’enfants victimes de violence, je peux vous confirmer que la violence amoureuse chez les adolescents est une réalité existante.

Cependant, il n’est pas toujours évident de savoir quoi faire lorsque notre ado vit une relation où il semble avoir présence de violence ou de contrôle. Dans certaines situations, pour les gens de l’entourage et extérieur à la relation, il est d’une grande évidence que la personne subit des préjudices. L’incompréhension pouvant même aller jusqu’à la colère se fait sentir envers la victime. De l’autre côté, certaines situations sont complètement à l’inverse. La violence et le contrôle se vivent tellement dans l’intimité et dans une subtilité que l’entourage nie par défaut toute éventualité pouvant mener à cette problématique. Ce qui pose un double défi d’affirmation pour la victime. Les différentes facettes que peut prendre ce phénomène sont nombreuses, sournoises et malheureusement, parfois dangereuses.

Dans un premier temps, prenons le temps de bien définir la problématique. Le phénomène de la violence amoureuse touche majoritairement les jeunes filles que les garçons. Différentes statistiques démontrent bien cette réalité. (Voir liens ici-bas)

La violence ou le contrôle amoureux sont une prise de pouvoir sur l’autre personne accompagnée d’une intention de vouloir gagner à tout prix sur l’autre, même si c’est au détriment de la personne. Il y a un déséquilibre de pouvoir dans la relation.

Différentes façons sont généralement utilisées afin d’atteindre ce but, ce que l’on appelle les formes de violence.

Il existe 5 formes de violence ;

Violence psychologique : Lorsqu’il y a présence des autres formes de violence, automatiquement celle-ci l’est également, puisqu’elle renvoie un message négatif sur la valeur de la personne victime. Il est aussi possible qu’elle soit présente en solo. Elle se manifeste par une attitude méprisante, dénigrante, humiliante et dévalorisante envers la personne. (Ex. : allusions, regards, etc.)

Violence verbale : Elle est très proche de la violence psychologique, mais la notion verbale prend alors tout son sens. Ayant le même but de mépris et d’humiliation, elle se traduit davantage sous forme de mots ou de menaces. Le ton et l’intensité du langage sont des caractéristiques qui peuvent influencer la direction et l’intention d’une communication. (Ex. : traiter de noms, rabaisser l’autre, etc.) Il est à noter que tous les messages écrits via internet ou texto avec la connotation décrite ci-haut sont considérés au même titre.

Violence économique : Le contrôle se fait via l’aspect financier ou matériel. Empêcher la personne d’accéder à ses ressources financières, lui emprunter des choses dans l’intention de les garder, lui voler ses biens ou encore, lui offrir plein d’avantages matériels et financiers dans le but de créer une dépendance, etc. Concrètement, chez les adolescents, le taxage est un bon exemple.

Violence physique : Lorsqu’il y un contact physique dans le but de faire peur, intimider et blesser l’autre personne. Prendre par le bras, bloquer le passage, coups divers, menace de mort…

Violence sexuelle : Imposer ses désirs à l’autre, attouchements sexuels, brutalités, manipulation et chantage afin d’obtenir des contacts ou relations sexuelles, harcèlement, intimidation… L’obtention d’un OUI lors d’une relation sexuelle sous la pression, n’est pas un OUI avec un consentement valide…

Le cycle de la violence

La dynamique qui s’installe dans la relation s’inscrit au travers d’un cycle, communément appelé le « cycle de la violence». Le cycle de la violence se divise en 4 phases dont chacune a une fonction spécifique afin de rendre fonctionnelle cette dynamique. À noter que la notion d’agression se traduit par n’importe quelle forme de violence décrite ci-haut.

Schéma-cycle-de-la-violence-2

Phase 1 : Climat de tensionPhase dans laquelle la personne a l’impression de marcher sur des œufs, doit faire attention à ce qu’elle dit ou fait par crainte de représailles. Cette phase est souvent vécue sous forme de questionnements anxieux, de craintes et de peurs.

Phase 2 :  Agression (formes de violence) → Moment où l’action du contrôle est exercée…, où la forme de la violence est utilisée… Généralement, sur le coup de cet évènement la personne qui subit vit une certaine colère en se disant que l’autre n’a pas le droit d’agir ainsi, elle est outragée.

Phase 3 : JustificationsÉtape où la personne ayant exercée l’agression va expliquer son geste en le justifiant par mille et une raison. (Fatigue, stress, l’autre l’a provoqué, etc.) Parfois, c’est la victime qui va justifier son partenaire, soit par réflexe ou soit par crainte. (Il a un gros examen cette semaine, il est donc un peu stressé; il est seulement un peu fatigué ces temps-ci…etc.) La notion de responsabilité prend un rôle important dans cette étape. Soit que la personne remet sa responsabilité sur l’autre lors de sa justification ou encore, la personne ayant vécu l’agression prend d’emblée une responsabilité et une culpabilité de la situation sur ses épaules, sans que l’autre ait besoin de le faire (processus de victimisation). Le résultat de cette phase est que la personne ayant subi l’agression se met à douter des évènements, de ses émotions s’y rattachant et relativise le tout de façon erronée. (Ouais, dans un couple, c’est 50/50, j’aurais dû attendre à plus tard avant de lui parler de telle chose…etc.)

Phase 4 : Lune de mielPhase dans laquelle la personne ayant commis les agressions redonne l’espoir à l’autre que ça n’arrivera plus, que ce n’était qu’une mauvaise passe et elle redonne confiance par différents moyens; promesses, cadeaux, privilèges, reconnaissance de ses torts dans le but ultime de faire taire l’autre, effort grandiose comme d’aller en consultation, arrêt de consommation quelconque, etc. La période de lune de miel peut durer des mois, des semaines, des jours… Jusqu’au moment qu’un climat de tension survient de nouveau et que le cycle recommence… En général, cette période a tendance à diminuer avec le temps et même à disparaître lorsqu’elle n’a plus son utilité. Par exemple, lorsque la victime subit fortement les contrecoups et les conséquences de cette violence, elle n’a plus besoin d’espoir pour rester dans cette relation, elle ne fait que survivre…

Ce qui différencie concrètement une dynamique de violence versus une simple chicane sont les éléments suivants:

  • la présence d’un cycle (répétition du scénario sur des évènements différents);
  • le gain recherché (le pouvoir sur l’autre);
  • les conséquences et impacts sur la victime;
  • ainsi que le moyen d’y parvenir, c’est-à-dire, les agressions possibles.

Une chicane peut dégénérer et avoir une présence d’agressivité sans pour autant être dans une dynamique de violence. Il faut explorer davantage la situation avant de conclure.

Les conséquences de la violence chez la victime sont très néfastes; anxiété, insomnie, stress, baisse de confiance et faible estime de soi, isolement, difficultés scolaires et de concentration, dépression, idées suicidaires…

Quoi faire ?

  • Avoir une écoute active et non jugeante malgré nos désaccords.
  • Encourager la personne à briser le silence tout en respectant son rythme.
  • Lui suggérer des scénarios de protection propre à sa situation: appel d’un(e) ami(e) à un moment précis, rencontre dans un lieu public, lui nommer qu’elle a le droit d’appeler à l’aide et la police si besoin (parfois prise de panique, la victime reste figée face à cette possibilité), etc.
  • Accompagner la personne vers une aide spécialisée.
  • Aller chercher du soutien comme personne accompagnante.

À éviter…

  • Avoir un discours moralisateur et culpabilisant qui ne fais que contribuer à l’éloignement de la personne et accroître son isolement.
  • Suggérer certaines méthodes d’affirmation de soi et de confrontation afin de NE PAS METTRE EN DANGER la personne.
  • Divulguer à l’entourage sa situation SANS son accord (à moins de craindre pour sa vie). Cela ne fait que briser le lien de confiance et a pour effet que la personne hésite ou refuse de se confier à nouveau.

À vous chers parents, n’hésitez pas à aller chercher du soutien pour vous. Il n’est pas facile sur le plan émotif de voir son enfant vivre ce genre de situation. Vous outiller, vous aidera sans doute à mieux vivre votre impuissance face à tout cela et voir comment il est possible que vous repreniez du pouvoir en tant que parent sur cette situation pour mieux soutenir votre ado. Beaucoup d’empathie, d’écoute sans jugement et d’amour sont les éléments-clés à apporter pour établir un lien de confiance afin de pouvoir aider davantage votre ado pris par cette réalité.

Voici quelques sites en référence :

http://www.aimersansviolence.com/
http://www.msss.gouv.qc.ca/sujets/prob_sociaux/violenceconjugale.php
http://maisons-femmes.qc.ca/

Au plaisir !

Caroline Boutin
Intervenante sociale diplômée
Conférencière et formatrice
Coach familial
, certifiée NAC et praticienne PNL

Fondatrice de Parents Autrement

www.parentsautrement.com

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